Lutte contre la "désinformation" : piège à cons ?
Le ministère de la Santé a tenu colloque pour déclarer la guerre à la désinformation. Un terme galvaudé utilisé par des idiots, d’après Vinay Prasad, qui vient de faire chuter Big Pharma en bourse.

« Quiconque utilise le terme "désinformation" est un idiot ». Voilà un propos apparemment sans nuance, plutôt provocateur. Il émane d’un hémato-oncologue et chercheur américain habituellement très intéressant : Vinay Prasad. Professeur d’épidémiologie et de biostatistique, il est aussi l’un des trois co-fondateurs de Sensible medicine, l’une des newletters qui m’a fait choisir de diffuser également la mienne sur Substack. Elle propose de l’info, de la réflexion et du débat sur les sujets concernant la médecine, avec cette fois de la nuance, de la rigueur scientifique et de l’ouverture d’esprit. Un cocktail qui se fait très rare. Publiée fin avril sur le canal personnel de Prasad, la condamnation brutale par ce brillant médecin de ceux qui parlent de « désinformation » peut donc dérouter. D’autant que ce terme se trouve aujourd’hui brandi à tout bout de champs, et à tort et à travers dans les médias. Mais justement, si le médecin américain a tenu ses propos qu’il inscrit parmi six conseils à suivre pour « vous assurer de lire des informations crédibles et non de la propagande », c’est parce qu’il juge que la couverture médiatique de la santé et de la science atteint, en 2025, son plus bas niveau, alors que la partialité règne.
Le contexte est évidemment celui d’une Amérique passée sous administration Trump, avec ses fans et ses détracteurs, ces derniers plutôt dominants médiatiquement. Prasad montre en quelques exemples qu’un peu de recul et d’esprit critique s’avèrent plus que jamais nécessaire pour ne pas prendre pour argent comptant des accusations biaisées ou infondées. Concernant l’usage de plus en plus systématique du terme « désinformation », il souligne que les arguments scientifiques varient en fait d’un niveau de confiance élevé à faible, et que certains argument faibles peuvent aussi contenir une part de vérité. Or, selon lui, ce terme est aujourd’hui « utilisé par des esprits faibles qui ne saisissent pas les nuances des affirmations. Il est mal défini et a été galvaudé au point de perdre tout son sens. Souvent, ils veulent dire : je ne suis tout simplement pas d'accord ». Ce qui renvoie au constat que j’effectue dans L’obscurantisme au pouvoir en décrivant comment la controverse a été assimilée à de la fake news lors de la crise du Covid. Cela n’est manifestement pas prêt de changer, la tendance française étant plutôt à l’institutionnaliser. En atteste le colloque organisé le 18 avril par le ministre de la Santé, avec comme intitulé un objectif : la « lutte contre l’obscurantisme et la désinformation en santé ».

La force du faux
Pour lancer cette lutte pour la science et contre un obscurantisme et une désinformation qui se manifesteraient tout particulièrement par une défiance face à la vaccination, Yannick Neuder a annoncé dans son allocution introductive avoir réuni « des voix reconnues et respectées ». Le premier à intervenir dans la salle du ministère est le physicien Etienne Klein. Un choix qui peut paraître curieux, une enquête d’Arrêt sur images ayant révélé l’été dernier qu’il était l’auteur d’une « thèse constellée de plagiats ». Le spécialiste en intégrité de la recherche médicale Hervé Maisonneuve a alors présenté Etienne Klein comme un « exemple d’impunité française », rappelant que ce plagiaire avait déjà été repéré dès 2017 pour des livres et des articles. Mais aussi que le philosophe et vulgarisateur de la science a menti en avouant en 2021 être « coupable de plagiats littéraires, mais en aucun cas de plagiats scientifiques », alors qu’une thèse sur l’unité de la physique constitue évidemment un document scientifique. Malgré tout cela, Etienne Klein apparaît encore comme une référence dans les sphères du pouvoir, et il se fait au ministère de la Santé le défenseur du vrai face à la « force du faux ».
Le second intervenant est le journaliste du Parisien Nicolas Berrod, qui estime pour sa part que face à la désinformation, il faut éviter de tomber dans le piège « du oui ou non alors que la réalité n’est ni blanche ni noire ». Une marque de rigueur et de pertinence journalistique, qui ne correspond pas vraiment à la pratique des journalistes dits fact checkers, auxquels Nicolas se réfère pourtant en louant l’utilité de leur réseau international en tant qu’arme contre les désinformateurs. Le travail des fact checkers a en effet essentiellement consisté à dénoncer des fake news et à nous asséner, souvent de façon erronée, ce qui était « vrai ou faux », titre de l’émission présentée sur France Info par le plus célèbre d’entre eux, le fameux Julien Pain.
Autre source précieuse de Nicolas Berrod, les services de presse de l’Inserm ou de Santé Publique France qu’il dit contacter très fréquemment pour avoir accès à des chercheurs réputés qui l’aideront à répondre aux « désinformations extrêmement rapides à se propager ». Les ayant également consultés, j’ai pu remarquer que ces organes de communication officiels n’ont pas pour politique de vous diriger vers des voix susceptibles de contredire le discours dominant - mais pas forcément exact - sur des sujets controversés en matière de santé. Des voix que les journalistes n’ont de toute façon guère cherché à entendre lors de la pandémie, où il s’agissait surtout de relayer cette pensée dominante, assimilée à « la science ». Cela a certainement contribué à accroître la méfiance de la population vis-à-vis des médias, qui a encore gagné cinq points en 2024 dans le baromètre publié par La Croix, atteignant près de deux tiers de la population. Un problème que rappelle Nicolas Berrod, en le prenant sous l’angle plus favorable de ceux qui ne font pas confiance aux médias, ce qui réduit la proportion à un tiers. Et permet aussi au journaliste de se rassurer en soulignant que les réseaux sociaux s’avèrent encore nettement moins bien lotis, avec « moins d’un quart » de la population qui leur ferait confiance. Petite imprécision, le chiffre exact étant de 29 %.

Des amateurs démunis face aux désinformateurs
Passons à la première table ronde, au titre explicite : « Comment reprendre la main sur la désinformation ? » Comme l’indique l’animateur de cette matinée, le médecin médiatique Michel Cymes, cela signifie que la main a été perdue pendant la crise du Covid où nous aurions « laissé les complotistes en tout genre s’exprimer librement, et pas seulement sur les réseaux sociaux ». Il évoque ainsi des médias qui ont joué un rôle considérable en laissant Didier Raoult faire « la promotion de l’hydroxychloroquine », et des radios et des chaînes de télé où l’« on peut encore écouter des antivax déverser leurs délires sans aucune contradiction un peu rationnelle et scientifique ». Vous ne l’aviez pas forcément remarqué, mais « les médias adorent donner la parole à ceux qui contredisent les scientifiques », ajoutera encore Michel Cymes après que l’un des intervenants, le professeur de pharmacologie Mathieu Molimard, se fut indigné que « les désinformateurs sont tranquilles » pendant que ceux qui s’opposent à eux s’avèrent démunis et harcelés sans protection. Il s’agirait donc clairement d’en finir, en mettant hors d’état de s’exprimer et de nuire des désinformateurs professionnalisés, qui auraient seulement, face à eux, des amateurs sans moyens.
La présence du créateur du Nutriscore, Serge Hercberg, pourrait tendre à conforter cette idée, l’épidémiologiste ayant été confronté à des intérêts économiques considérables avant de parvenir à faire accepter ce logo qui indique la qualité nutritionnelle des aliments. Avec des désinformateurs financés par l’industrie agro-alimentaire, comme l’indique le professeur Hercberg à qui Michel Cymes a demandé si la désinformation était « plus orchestrée » par cette dernière que par « des complotistes lambda ». Une question saugrenue, les complotistes lambda n’ayant pas grand-chose à voir avec les lobbyistes de la Big Food. Car de quoi parle-t-on au ministère ? Du pouvoir de l’industrie pharmaceutique et de ses influenceurs ? Des milliards de dollars dont elle dispose pour mettre sur le marché des produits fréquemment mal évalués et dotés d’effets indésirables pouvant s’avérer mortels, comme en témoignent quantité de lourdes condamnations en justice et de multiples enquêtes dénonçant une situation d’overdose médicamenteuse ? Non, les « désinformateurs » dont il est ici question s’opposent au contraire à Big Pharma, à tort ou à raison. Et il est tout de même cocasse que ceux qui s’avèrent en fait des défenseurs des produits vendus par l’industrie pharmaceutique, avec laquelle ils peuvent avoir des conflits d’intérêts, se retrouvent ici présentés en combattant démunis face aux puissants complotistes.

Rudy appelle à la coercition
Rudy Reichstadt, fondateur de L’Observatoire du conspirationnisme, en rajoute une couche en dénonçant le « cyber harcèlement » dont seraient victimes ceux qui, comme lui, luttent contre la désinformation. Mais il prend pour exemple le blâme et la condamnation du docteur Jérôme Marty par l’Ordre des médecins, à la suite d’une plainte déposée en 2021 par le chanteur Francis Lalanne et l’humoriste Jean-Marie Bigard. Ces derniers s’opposaient alors avec une certaine outrance à la politique anti covid, notamment l’instauration d’un pass sanitaire. Ils avaient été qualifiés par Jérôme Marty d’ « orifice béants et malodorants » du complotisme dans une lettre ouverte, qu’il concluait d’un élégant « on ne réfléchit pas par le cul ». Des « propos de nature à déconsidérer sa profession », méconnaissant l’obligation déontologique qui oblige tout médecin à faire preuve de « prudence et mesure » lorsqu’il s’adresse au public, a jugé la chambre disciplinaire du Conseil de l’ordre d’Occitanie, en application de l’article R. 4127-19-1 du Code de la Santé publique. Une décision qui « choque le sens commun », selon Rudy Reichstadt.
Pour ce professionnel de l’anti-complotisme abondamment financé sur fonds publics, les « désinformateurs » seraient avantagés par rapport à ceux qui les combattent. Car ils bénéficieraient d’une grande impunité, alors qu’il n’a jamais été aussi facile et peu coûteux de propager de l’intox, tandis que « la presse et la science » ne disposeraient que de moyens limités pour leurs répondre. Cela imposerait donc de se servir de la réglementation européenne pour « tordre le poignet » des plateformes internet utilisées pour communiquer, afin de les « faire rentrer dans le rang ». Bref, Reichstadt veut de la coercition et une “régulation” plus énergique. Une invitation à la sanction que réitérera un homme se référant à « Rudy » au moment des questions du public, en appelant à « taper fort » contre ces désinformateurs en santé qui auraient la vie trop belle.

Fake news et omissions sur la vaccination
« Vaccination : regagner la confiance ». Tel est le thème de la seconde table ronde que Michel Cymes lance en résumant en quelques mots la longue histoire des « antivax ». Il la termine par une fake news : Robert Kennedy, le ministre de la santé américain, viendrait de découvrir un article du Lancet de 1997 ayant conclu à un lien entre le vaccin contre la rougeole et l’autisme, « sans savoir que son auteur a été mis au banc de la communauté scientifique il y a près de 30 ans ». « Une double contre-vérité, ce qui, dans le cadre d’un colloque sur la désinformation, est particulièrement ironique », note ChatGPT, précisant que Kennedy connaît depuis longtemps cette étude qu’il n’a en revanche « même pas mentionné récemment ». L’article, datant en réalité de 1998, a été rétracté par le Lancet en février 2010, son auteur, Andrew Wakefield, ayant quant à lui été radié trois mois plus tard de l’Ordre des médecins britannique. Une chronologie qui confirme que Michel Cymes a dit n’importe quoi, mais ça passe comme une boutade et une lettre à la poste. Et sans doute mieux que s’il avait dit la vérité, à savoir que Kennedy a encouragé l’hiver dernier à vacciner les enfants contre la rougeole, et lancé ce printemps une étude sur les causes de l’autisme, « sans inclure spécifiquement la vaccination dans son champ d’investigation », souligne ChatGPT.
Mentir, ou même caricaturer, n’est assurément pas le meilleur moyen de lutter contre une défiance pour la vaccination que Cymes présente comme bien ancrée dans la population en s’appuyant sur quelques sondages. Par exemple, celui qui indique que 29 % des Français sont défavorable à la vaccination covid, la plus mal aimée. Mais Alain Fischer, qui a présidé le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, passe outre pour donner dans le satisfecit en parlant d’une campagne efficace où 92 % des adultes ont été vaccinés contre le covid, alors qu’ils n’étaient initialement que 50 % à penser l’accepter. Le surnommé « Monsieur vaccin » ne précise bien sûr pas qu’on leur a un peu forcé la main, si ce n’est tordu le poignet, avec ce pass sanitaire qui rendait la vie bien compliquée, si ce n’est asociale, quand on n’en était pas doté. Pas un mot non plus sur la dernière campagne de vaccination anti-covid qui relève du fiasco, avec même pas 20 % des plus de 65 ans vaccinés, et seulement 7,4 % des moins âgés à risque de forme grave. Silence également sur ces effets indésirables qui ont fait exploser pendant la pandémie les compteurs de la pharmacovigilance, et qui ont été ressentis par quantité de Français, tout comme l’efficacité très relative de ces vaccins, malgré le discours sans cesse martelé du « sûrs et efficaces ». Cela pourrait-il expliquer la désertion face à cette vaccination ? La question ne sera tout naturellement pas posée.

Mystique imaginaire et pseudo rationalité
On a en revanche droit à une nouvelle séance de victimisation de l’infectiologue Karine Lacombe, présentée elle aussi comme harcelée pour être venue défendre la vaccination sur tous les plateaux de télé. Elle explique avoir malgré tout voulu tenir sa place pour ne pas « laisser la chaise vide ». Ce qui aurait laissé ladite chaise libre pour une désinformation qui « brasse énormément d’argent », assure cette femme bien connue pour ses liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, aujourd’hui membre du conseil d’administration de deux biotechs spécialisées dans des traitements médicamenteux faisant partie des plus coûteux. Quelle abnégation ! Alors que vous imaginez bien que TF1, France 2 et BFM n’auraient pas tardé, en cas de défection, à la remplacer par des détracteurs du vaccin venus pour inciter à prendre à la place de dangereuses poudres de perlimpinpin vendues à prix d’or.
Pour rappel, nous sommes bien dans un colloque contre l’obscurantisme et la désinformation, avec des intervenants censés incarner la rationalité. Comme le docteur en médecine Jean-David Zeitoun, qui affirme comprendre la peur que peut susciter la vaccination en raison de « toute une mystique imaginaire » se développant notamment autour de l’aluminium utilisé comme adjuvant. Mais il ajoute que l’on ne peut rien faire avec les « antivax », rejoint par Michel Cymes, qui revendique, dans un assentiment général, de refuser systématiquement les débats avec ces gens qui seraient « tellement irrationnels ». Du genre à s’appuyer sur « une étude sortie au Vénézuela en 1942 », face à laquelle on ne pourrait rien dire de « rationnellement scientifique », ajoute l’animateur de la table ronde.
Michel Cymes sait pourtant que la question des adjuvants aluminiques relève non du fantasme ou de la mystique mais d’une vraie problématique scientifique, tout ce qu’il y a de plus rationnelle, soulevée en France par les publications de Romain Gherardi. Un chercheur qu’il a interviewé en 2012 dans Le magazine de la santé. Un scientifique que les autorités publiques et une personne comme Alain Fischer ont empêché de poursuivre ses recherches par obscurantisme, laissant libre court aux fantasmes et à toutes les spéculations, alors que Gherardi n’a rien d’un antivax. Il appelle au contraire à suivre les recommandations vaccinales, qui lui paraissent justifiées par les bénéfices avérés de la plupart des vaccins. Ce qui ne l’empêche pas de constater un problème structurel dans l’évaluation de leur sécurité. Un problème nié par les autorités sanitaires et cet obscurantisme au pouvoir qui assimile aux antivax des questionnements scientifiques légitimes sur la vaccination. En les occultant ou en les caricaturant, pour mieux les discréditer comme de la désinformation.

Va-t-on descendre encore plus bas ?
Le colloque s’inscrit pleinement dans cet obscurantisme que je dépeins dans mon livre. Je l’ai d’ailleurs fait remarquer à un expert de la science médicale invité à y participer, et ayant apprécié mon ouvrage. Il était d’accord avec moi face à un événement qui relève aussi de la mascarade. Elle s’est conclue par une déclaration de « guerre à la désinformation », lancée par Yannick Neuder en ce qui serait le « jour 1 » d’un affrontement visant à « imposer la rationalité scientifique ». Avec pour objectif un renforcement du contrôle de l’information et une labellisation du contenu considéré de qualité. De quoi amplifier la guerre de l’information qu’a déjà suscitée la crise du covid, par la diabolisation de la contradiction à la pensée dominante. Une mise au ban et une censure qui ont fait le succès de médias alternatifs, renforcés et légitimés par le bannissement de thématiques controversées qu’ils ont ainsi pu s’accaparer. Se posant en résistants, ils n’ont malheureusement pas davantage laissé place à la contradiction, en adoubant plutôt ceux qui venaient contester la doxa, quitte à laisser dire n’importe quoi. Chaque camp a ainsi tenu sa position, en accusant l’autre de désinformation, comme dans deux réalités parallèles et en pleine fuite en avant.
L’institutionnalisation de cette guerre nous fera-t-elle descendre encore plus bas dans la fiabilité de l’information scientifique et médicale, proposée de part et d’autre de façon toujours plus partisane ? Je m’apprêtais à en finir sur cette question, en songeant aux conseils de Vinay Prasad invitant à se garder d’utiliser, en ces temps médiatiques désolants, ce terme trop binaire de « désinformation ». Je me disais aussi que le niveau français est déjà bien inférieur à celui des Etats-Unis, où l’on trouve tout de même des sources d’information de grande qualité, comme Sensible medicine. Mais alors que Yannick Neuder a inscrit son colloque sous le signe de l’opposition à l’Amérique de Donald Trump, symbole de l’obscurantisme face auquel le ministre veut se dresser, une nouvelle potentiellement très réjouissante est venue d’outre-Atlantique. Pendant que j’écrivais cet article. Vinay Prasad a été nommé à la tête du département d’étude et d’évaluation des produits biologiques de la FDA, l’agence du médicament américaine. Un département-clé, traitant d’une catégorie de médicaments qui inclut les vaccins et les thérapies géniques et cellulaires. Il sera donc désormais dirigé par ce médecin et chercheur au parcours exceptionnel, expert hors pair de la médecine validée par les preuves.

Une onde de choc pour Big Pharma, ignorée par les médias
Agé d’une quarantaine d’années seulement, Vinay Prasad compte plus de 500 publications scientifiques à son actif. En 2015, il a aussi fait paraître avec Adam Cifu, l’un des deux autres créateurs de Sensible medicine, un premier livre académique expliquant comment des médicaments mis sur le marché sans disposer de preuves solides ont été perçus comme des avancées médicales alors qu’ils se sont ensuite révélés inutiles ou dangereux. L’oncologue a récidivé en 2020 avec Malignant qui dévoile comment les nouveaux traitements pour le cancer peuvent être autorisés et prescrits de façon accélérée en surestimant leur efficacité. La grande majorité des anticancéreux autorisés par la FDA depuis une vingtaine d’années n’a d’ailleurs pas fait la preuve d’une amélioration de la survie des malades traités, comme l’a montré l’année dernière une étude de l’équipe de Prasad. Raison sensible s’y était référée pour introduire une interview croisée qui décryptait le dysfonctionnement systémique de l’évaluation de ces médicaments particulièrement onéreux. Un mal résultant de la position dominante d’une industrie pharmaceutique qui impose ses méthodes aux autorités de régulation. Et en premier lieu à la FDA, l’agence de référence mondiale.
L’arrivée de Prasad pourrait donc inciter l’agence américaine à exiger désormais une meilleure information. Avec de meilleures données, obtenues de façon transparente selon des protocoles qui ne devraient pas dépendre du bon vouloir de l’industrie pharmaceutique. Y compris pour des vaccins dont Vinay Prasad a loué l’utilité lors de la pandémie, tout en déplorant un manque d’évaluation, après une mise sur le marché extrêmement rapide. Il s’est inquiété d’un usage systématique et répété, alors que le bénéfice-risque était discutable pour des populations ne risquant guère de formes graves de covid, et probablement défavorable pour les hommes jeunes. Ce manque de rigueur et d’essais randomisés controlés pour évaluer l’efficacité et surtout la sécurité concerne d’ailleurs l’ensemble des vaccins. Ce qui laisse libre court aux interprétations divergentes, pro ou anti vax, chacun pouvant considérer ce que dit l’autre camp comme de la désinformation. Or il s’agit seulement, comme le dit Prasad, d’arguments dont le niveau scientifique varie de faible à élevé, tout en s’avérant, de façon récurrente, insuffisant. Et on aura beau organiser des colloques et chercher à imposer une information étiquetée « scientifique » alors qu’elle est lacunaire, on ne ramènera pas la confiance sans données satisfaisantes. Des données qui devraient donc être obtenues indépendamment des entreprises qui gagnent des milliards de dollars en vendant des produits de santé qu’on les laisse pourtant évaluer elles-mêmes, et de plus en plus à la va-vite.
Il est révélateur que les seuls médias français ayant informé de la nomination de Vinay Prasad à la FDA soient des publications économiques ou financières qui ont témoigné d’une « onde de choc en bourse ». Les valeurs pharmaceutiques ont, en effet, chuté voire dévissé après cette annonce qui a conduit Sanofi à enregistrer le 7 mai dernier la plus forte baisse du CAC 40. Le signe que Big Pharma redoute de perdre la main sur l’évaluation et la mise sur le marché de ses produits, dans l’indifférence des médias généralistes français, mainstream ou alternatifs. L’information n’est-elle pas assez stéréotypée pour intéresser ? L’administration Trump qui nomme un brillant scientifique, incarnant l’exigence d’une médecine validée par de bonnes preuves, clairement favorable à la vaccination - contrairement à ce qu’en dit Les Echos - mais opposé à son usage irraisonné... Serait-ce trop difficile à appréhender en ces temps binaires de lutte contre la prétendue désinformation de l’adversaire ?
1) La question de la désinformation est une question trop importante pour qu'elle soit confiée à ceux qui y participent. On sait aujourd'hui que Nature, Cell et Science, autrefois journaux scientifiques respectés, ont participé à la désinformation sur l'origine du Covid.
2) Vinay Prasad est financé par la fondation Arnold, qui a des objectifs commun avec l'armée : https://x.com/Jikkyleaks/status/1916618832258699426